Dans Dérision, la narratrice a parfois conscience de divaguer, et ne cherche pas à s’échapper de sa propre conscience. Parfois des détails saugrenus semblent inutiles. Ils dénotent d’une incompréhension naturelle du monde, une ouverture exempte de contrôle, qui peut néanmoins entérinner une fatalité ou consommer l’échec. L’absence de parole défie l’autre en même temps qu’elle le protège, des enjeux dont il ne sait faire face, du tragique, et du danger du désespoir, où l’estime de soi s’effriterait un peu plus à chaque coup du sort, inconscient du côté arbitraire des circonstances.
La laideur est un problème laissé à l’autre, et il y a un plaisir à provoquer la répulsion désagréable mais vivante, à lui donner une chance de prendre conscience de son conditionnement. L’incompréhension face à la manifestation des lois de la physique, à la force des autres, est une invitation à la poésie. Il y a par là un plaisir à découvrir par hasard un lien entre les autres et soi, malgré la séparation consciente.
Aliénés par la pauvreté, les personnages doivent naviguer entre l’obligation et la liberté, entre subjugation face à un instant présent tragique ou indifférent. Par les mots, par une sorte de continuité dans la conscience, se retenant face aux acoups, acceptant les ruptures, la fulgurance de passages signifiants, une forme, une sorte d’identité, résiste aux aléas.